Il a fallu cinq ans (5) ans pour que la transition politique entamée le 3 décembre 2008 arrive à son terme avec l’élection de 114 députés à l’Assemblée nationale le 28 septembre 2013. Du capitaine Dadis au Pr. Alpha Condéen passant par le Général Sékouba Konaté, cette période transitoire reste
marquée par des soubresauts et des balbutiements attestant que la démocratie se situe encore,
dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest, à un stade crépusculaire. Pour
sauver cette transition, la communauté internationale a dû, à plusieurs
reprises, intervenir pour arrondir les angles entre les acteurs politiques. A
l’intérieur du pays, la mobilisation a été sans faille : la presse
publique et privée, les organisations de défense des droits humains et de la
société civile se sont impliquées de façon active pour aboutir à une issue
heureuse. Quant au peuple de Guinée, il a fait preuve de maturité en se rendant
aux urnes, dans le calme, les 27 juin 2010(date
du 1er tour de la présidentielle), 24
octobre (date du second tour) et le 28 septembre
2013(jour des élections législatives) pour s’acquitter de son devoir
civique. Avec l’élection de M. Kory Kondiano ce
lundi 13 janvier 2014 à la tête de la nouvelle
législature, une page de l’histoire politique de la Guinée se ferme. Avec ce
nouveau parlement, le pays signe son retour définitif à l’ordre constitutionnel
ouvrant donc une nouvelle ère et des nouveaux espoirs.
C’est le président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé
qui, tard dans la nuit du 22 au 23 décembre 2008, annonça la mort du président
Général Lansana
Conté. Après 24 ans de règne sans partage, ce dernier s’en
va laissant derrière lui un pays aux
infrastructures quasi inexistantes et une population très pauvre. Le
lendemain(le 23 décembre), un groupe de militaire s’empare du pouvoir. A sa
tête, le capitaine Moussa Dadis Camara, l’homme au tempérament
volcanique dont le nom était peu ou pas connu jusque là. Il est le président du
Conseil National
pour la Démocratie et le Développement (CNDD). Comme dans tous les
coups d’Etat, les premiers actes des auteurs de ce putsch ont consisté d’abord
à la suspension de la constitution et la dissolution du gouvernement. Dans sa
première déclaration, le nouvel homme fort a laissé entendre que le pouvoir et
l’argent ne l’intéressent pas. Selon lui, sa mission était de « balayer » et partir.
Par ces propos, l’homme a rapidement bénéficié d’un soutien quasi-total de la classe
politique. Cependant, la communauté internationale condamne fermement le putsch
et interdit à ses auteurs de fouler le territoire occidental notamment dans l’Union Européenne(UE). L’Union Africaine (UA) embouche la même
trompette. Toute coopération avec Conakry
est suspendue jusqu’au retour à un ordre constitutionnel. Les militaires
s’engagent à l’organisation des élections législatives et présidentielle libres et transparentes respectivement en
octobre et décembre 2009. Des élections auxquelles aucun membre du gouvernement
ni du CNDD,
à commencer par le chef de la junte, aucun militaire ne seront candidats.
Par ailleurs, le capitaine Moussa Dadis Camara à la quête d’une
certaine légitimité en vue d’asseoir et de consolider son pouvoir, s’attaque à
la lutte contre la corruption et au narco trafic. Une action fortement saluée
et qui lui a valu une certaine notoriété à travers l’adhésion d’une frange
partie de la population à ce projet. C’est justement dans cette perspective que
les « Dadis Shows » étaient
régulièrement diffusés sur les ondes des médias d’Etat notamment à la
télévision nationale. De hauts fonctionnaires de l’Etat sont publiquement
auditionnés lors de ces « Dadis Shows »
et très souvent humiliés. Les cas du PDG russe de l’Usine d’Alumine de Fria, Pathienko
et Eryc Thiam en sont une parfaite illustration. Les
diplomates n’échappent non plus. Lors d’une conférence de presse qu’il a
convoqué à la Radiotélévision
guinéenne pour évaluer le
chronogramme électorale, le chef de la junte s’en prend à l’ambassadeur de en
Guinée, Karl
Printz pour avoir demandé une précision : « Ce
n’est pas vous qui m’avez donné le pouvoir. J’ai beaucoup de respect pour vous
et de ce que l’Allemagne m’a légué…vous parlez à un président. C’est une provocation,
vous voulez créer des problèmes ! », S’exclame-t-il,
visiblement en colère.
A moins de 6 mois
des échéances électorales annoncées en fin 2009, certaines déclarations fracassantes du chef
de la junte laissaient perplexes et sceptiques bon nombre d’observateurs. De
plus en plus, ses ambitions deviennent ambigües. La question d’une éventuelle
candidature du capitaine Dadis alimente les débats. Au même moment, on
assiste à la naissance un peu partout dans le pays à des « Mouvements Dadis
doit rester » mais aussi à des « Mouvements Dadis doit partir ».
Mais jusque là, le partenariat entre le
chef de la junte et les forces vives de
la nation (Partis politiques, Syndicats, Société civile…) n’est pas rompu.
L a déclaration fracassante ayant mis le feu aux poudres a été celle tenue le
mercredi 15
avril à Boulbinet. Dans cette déclaration, il avait menacé d’ôter
son treillis et de se présenter comme candidat en tant que citoyen guinéen au
même titre que ses opposants. Dès lors, la rupture est consommée. Les partis
politiques regroupés au sein du Forum des Forces vives de Guinée adoptent une
stratégie consistant à faire appel aux manifestations de rue contre le pouvoir.
Raison pour laquelle, les leaders politiques : Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, François
Louncény Fall, Jean Marie Doré, Mouctar Diallo, Bah Oury…avaient
fait appeler leurs militants le 28 septembre 2009 dans un grand stade Du même nom
à Conakry. Les autorités interdisent
la manifestation, et le capitaine Dadis en personne appelle le président de l’Union
des Forces Républicaines(UFR), Sidya Touré
à la veille de ladite manifestation à 1heure du matin pour tenter de le
dissuader. Ce que les leaders ont refusé.
Le lundi 28 septembre, devant de leurs leaders, les
militants et sympathisants envahissent le grand stade en scandant des chants du
genre vive la liberté et en
brandissant des pancartes hostiles au pouvoir militaire. Aux environs de 11 heures, la garde présidentielle
composée des bérets rouges conduite par le lieutenant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba
fait irruption dans le stade et ouvre le feu sur les manifestants désarmés. Des femmes sont violées et violentées et
les leaders tabassés et blessés.
Quant au président de l’UFDG, il
avait eu 4 de ses cotes cassées.
Voulant se rendre à Dakar pour se
soigner, les militaires bloquent son passeport à l’Aéroport. Il a fallu l’implication du président Abdoulaye Wade
qui a envoyé un vol spécial pour l’évacuation de l’opposant. Sur le bilan de ce
lundi noir, les chiffres sont contradictoires : la commission nationale
d’enquête « indépendante » fait état de 63 morts et de 1480 blessés alors que les
organisations de défense de droits de l’homme parlent elles de plus de 150 morts.
Au lendemain de ces événements horribles ayant fait le tour du monde, le
capitaine Dadis psychologiquement
touché a nié toute responsabilité pénale sur ces massacre tout en incriminant
les organisateurs de la marche. Pour une première, la fête nationale de
l’indépendance a été fête sans grande pompe.
Le 3 décembre 2008 alors qu’il s’était rendu au camp Koundara pour régler un
contentieux militaro-militaire, le
chef de la junte va recevoir une balle tirée par son aide de camp, Toumba Diakité
après une altercation survenue entre les deux. Toumba Diakité accuse son patron, le
capitaine Dadis
de vouloir lui faire porter l’entière responsabilité des massacre du 28 septembre
en lui demander d’aller se présenter devant la commission des enquêteurs de
l’ONU. A près ces événements, le chef de la junte est urgemment évacué au Maroc
pour des soins médicaux. En mission au Liban,
le ministre de la Défense nationale, le Général Sékouba Konaté rentre précipitamment à Conakry pour prendre les commandes du
pays. Et le 15
janvier 2010, furent signés dans la capitale du Fasso, les fameux « Accords de Ouaga » entre
le président Dadis
visiblement affaibli avec ayant au front une grosse cicatrice et le Général Sékouba Konaté. Ces accords feront de ce
dernier, le président par intérim. Il sera chargé de la conduite de la
transition dans une période de 6mois.
Dans son discours du 6 janvier, il avait appelé tous les leaders exilés
pour des raisons de sécurité de rentrer au pays. Le 19 janvier, Jean Marie Doré, président de l’Union pour le Progrès de la Guinée(UPG) et porte parole des Forces vives est
nommé Premier ministre, chef du gouvernement de la transition. Toutefois, M. Doré va préciser que son équipe
n’est pas un gouvernement de développement mais la mission essentielle sera
l’organisation des élections dans un délai de 6 mois. Un Conseil National de Transition(CNT) sera mis aussi en place avec
pour missions : le toilettage de la
constitution, la rédaction d’un nouveau code électoral et l’adoption des lois
ordinaires, faisant donc office d’organe législatif provisoire.
A la fin du mois de mai 2010, une campagne électorale d’un mois a été
décrétée. Celle-ci a été émaillée de certaines violences par endroits. Le 27 juin 2010, 4,2
millions d’lecteurs sont convoqués aux urnes pour choisir leur
président de la République entre 24 candidats dont une femme. Une caution de 400 millions de GNF
avait été fixée pour chaque candidat. A l’issue des résultats définitifs du
premier tour proclamés par la Cour
Suprême, aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue. Par conséquent, les
deux premiers à savoir Mamadou Cellou Dalein Diallo et Pr. Alpha Condé
ayant recueilli respectivement 43,72 % contre 18% sont admis pour le second tour devant se tenir en principes
18 jours après la publication des résultats par la Cour suprême. Mais entre
le premier et le second tour, le
président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) décède à Paris le 14 septembre 2010 à quelques du second tour.
Son vice-président Louncény Camara prend la tête de l’institution. Très
rapidement, il a été contesté par l’Alliance Cellou Dalein Président qui l’accuse
d’être partial et proche du candidat du RPG, Alpha Condé. Ce qui plonge la CENI dans une
cacophonie totale et le pays dans une impasse. Il a fallu l’implication de la communauté internationale
particulièrement l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et
le Qai d’Orsay
(Bernard Kouchner) pour décrisper la situation. C’est pourquoi, le 19 septembre 2010,
l’expert malien des questions électorales, le Général Siaka Sangaré est nommé par
décret président de la CENI.
C’est donc après 4
longs mois entre le premier et le second tour mais aussi une campagne
électorale sur fond de tensions ethniques entre peuls et malinkés que les
Guinéens se sont finalement rendus aux
urnes pour départager les deux candidats. Les résultats proclamés par la
CENI, confirmés par la Cour suprême donnent
Alpha
Condé vainqueur avec 52.52% contre 48.48% pour le candidat de l’Union des Forces
Démocratiques de Guinée(UFDG). Ce dernier accepte les résultats tout en appelant ses
militants au calme. Le 21 décembre 2010, le Pr. Alpha Condé officiellement proclamé vainqueur par le président de
la Cour suprême le 2 décembre prête Son serment au palais du peuple en présence
de plusieurs chefs d’Etat.
S’agissant des élections législatives, celles-ci devraient
avoir lieu 6 mois près la tenue de la présidentielle.
Mais le recrutement sans appel d’offres international de l’opérateur technique
sud africain Waymark et la volonté de la CENI
d’exclure les Guinéens de
l’extérieur à ce scrutin ont créé un débat inutile pendant près d’un an
plongeant le pays dans un blocage inédit. Le général Siaka Sangaré parti après
l’élection présidentielle, le contesté Louncény Camara reprend la tête de la
CENI. Avec la fameuse attaque du
domicile privé du chef de l’Etat dans la nuit du 19 juillet, le pays plonge
dans une autre crise. En dépit de l’absence
de concertation et de confiance entre les acteurs de la transition, la CENI de
Louncény se permet d’élaborer des
chronogrammes fantaisistes et non tenables. De ce fait, l’opposition renoue
aux manifestations de rue pour exiger le départ de Louncény Camara et de Waymark. Ces manifestations sont très souvent soldées par des
pertes en vies humaines, des dégâts matériels importants ainsi que des scènes
de pillages dans certains quartiers de la capitale. Le mercredi
5 septembre 2012, Louncény jette l’éponge. Au sortir d’une
audience que le président Alpha Condé lui a accordée, celui qui disait que le
mot démission n’existait pas dans son vocabulaire démissionne : un p’tit
pas semble franchit. Le jeudi 1er
novembre 2012, Louncény est remplacé par Bakary Fofana issu de la
société civile. Comme son prédécesseur, il est accusé d’avoir des accointances avec
le pouvoir d’Alpha Condé.
Face à l’indifférence du pouvoir vis-à-vis des manifestations
de rue récurrentes, le représentant spécial du Secrétaire Général des Nations
Unies en Afrique de l’Ouest, M. Saïd Djinnit arrive à Conakry le 15 mai 2013
pour relancer le dialogue inter guinéen. Au terme de ce dialogue, un accord politique
a été signé le 3 juillet 2013 par les représentants de la mouvance
présidentielle et de l’opposition ayant ouvert la voix au scrutin et mis fin
aux violences. Puis, un Comité de pilotage et de suivi des ces accords a été mis
sur pied. La date du 24 septembre 2013
semble désormais tenable. Mais à quelques jours de celle-ci, la CENI n’était encore pas techniquement
prête. Du coup, les deux parties sous l’égide du médiateur onusien mises
d’accord. Ce qui ramène la date des
élections législatives au 28 septembre 2013, date à laquelle, les Guinéens
ont, après plusieurs reports, élus leurs députés. Les résultats définitifs donnèrent au RPG-Arc-en-ciel et de ses alliés, une
majorité simple au parlement. Quant au principal parti de l’opposition, il a eu 37 députés élus. L’autre fait
marquant de ces élections aura été la perte par le parti au pouvoir de toutes
les circonscriptions électorales de la capitale à l’Uninominal ; une
première dans l’histoire du pays. Les dernières élections législatives dans ce
pays remontent en juin 2002.
Convoqué par décret présidentiel, la première session parlementaire
inaugurale tenue ce lundi 13 janvier est censée mettre un terme au
cycle de violences que le pays ait connu cette dernière décennie. Après que ces
députés sont installés, l’heure ne doit plus être aux calculs politiques et aux
stratégies divisionnistes et va-t-en guerristes
mais plutôt à la réconciliation et au travail. Aux députés élus, ils doivent être en mesure d’interpréter les textes de loi et des
règlements. Cette interprétation consiste à comprendre le sens et la portée des
textes qui leurs sont soumis pour adoption.
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