L’enlèvement
de près de 300 jeunes filles lycéennes au Nigéria le 14 mai
dernier à l’école de Chibok par
la secte islamiste Boko Haram laisse
présager un retour en force de certaines pratiques d’un islam du type radical
et discriminatoire auquel se
réclament ces ravisseurs. Un acte éminemment terroriste qui a suscité une
indignation internationale sans précédent et qui va donner une autre dimension
au terrorisme. Cet enlèvement n’est, sans doute pas, la première et plus grande
opération du genre jamais menée par Boko
Haram où par ses alliés (Al Qaida,
Aqmi , les Shebabs, le Mujao, Alnosra etc.) à travers le monde. Mais ce
rapt revêt une certaine particularité : cette fois-ci ce sont uniquement
des filles qui sont enlevées, de surcroit apprenantes.
Cette
particularité va-t-elle faire entrer de nouveaux acteurs(les mouvements
féministes et autres organismes) dans la lutte contre le terrorisme ? Dans
ce cas précis, quels rapports peut-on établir, dans un contexte africain
notamment nigérian, entre l’approche genre
et les conventions relatives aux droits des femmes ? Si oui,
comment cette corrélation et ces liens s’interpénètrent-ils ? Que signifie
être femme au Nigéria ? Que pourraient tirer les terroristes, en termes de
stratégies de communication et de visibilité, de cette sur médiatisation de cet
enlèvement dont les médias du monde entier ont largement fait et continuent de
faire échos ? Quelles enseignements à tirer pour les politiques, les
décideurs à qui ce rapt pourrait être un message très fort de défiance envoyé
à leur égard?
Voilà
la problématique que nous tenterons,
dans les lignes qui suivent, d’examiner et d’analyser au cours de notre réflexion et à partir de
laquelle nous allons développer un argumentaire qui répondrait à tous ces
questionnements.
En
effet, l’analyse de cette question
terroriste d’actualité sous l’angle du genre exige qu’on aille au-delà des
effets de mode d’autant plus que le genre aussi bien le terrorisme est un
phénomène qui pénètre le cœur de notre existence, de notre vécu quotidien.
Ainsi, l’on se demandera c’est quoi le genre ?
Le
concept de genre ne renvoie pas à une seule définition. Ce qui implique qu’il ya plusieurs tentatives de
définition que renferme le concept. Ainsi, pour la Convention européenne sur la
prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence
domestique, « Le genre est un terme qui désigne les deux sexes, masculin et féminin,
explique qu’il existe des rôles, des comportements, des activités et des
attributs socialement construits, considérés comme étant appropriés pour les
femmes et pour les hommes par une société donnée ».
Si cette définition du Conseil européen met en
exergue les rôles et comportements
construits par la société, l’historienne américaine Jane Scott, dans un article
publié en 1986 ( Gender a Useful category of social analysis), propose une
définition du genre mettant l’accent sur la dimension
politique : « Le genre est un élément constitutif des
rapports sociaux, fondé sur les différences perçues entre les sexes, et le
genre ; est une façon première de signifier des rapports de pouvoir ».
En
parlant de ces 223 jeunes lycéennes dont
on a enlevé de leur école, c’est une situation vraiment lamentable et inacceptable. Nous assistons à une véritable
privation de ces filles de leur droit fondamental
à l’éducation, d’aller à l’école, bref de réussir. Et cette situation ne reste pas sans nous rappeler les actes inhumains et
barbares orchestrés par les talibans en
2001 en Afghanistan, lesquels actes consistaient à couper les mains des petites
filles et qui interdisaient à celles-ci d’aller à l’école. Une discrimination
sexiste injustement infligée à des personnes innocentes.
Et
le moins que l’on puisse dire, c’est que l’instrumentalisation de la religion
musulmane par ces groupes terroristes va de mal en pis. L’enlèvement de ces
filles montre une nouvelle fois toute la capacité de nuisance de Boko Haram et
de ses intentions de se lancer dans une guerre confessionnelle planétaire aux
issues incertaines et fâcheuses. Selon l’Association Chrétienne du Nigéria,
90 % des jeunes filles enlevées étaient des chrétiennes.
Il
apparaît donc de façon claire que Boko Haram veut installer un nouveau Khalifat radical dans la sous-région
Ouest africaine où les femmes seront traitées comme des êtres inférieurs, des
biens possédés et qui seront régies par une loi dont eux seuls connaissent les
tenants et les aboutissants.
Les
violetions des droits de ces filles ne font aucun doute d’autant plus certaines
informations parvenues à leurs parents font état qu’elles sont violées par
leurs ravisseurs non sans parler de la brutalité et de la terreur avec
lesquelles , le chef de la secte, Abubacar Shekau, chef de la secte islamiste
Bokoharam a affirmé les avoir converti à islam et du coup, contraintes de
porter des tchadors ou voiles intégraux.
Ainsi,
l’extrémisme et le terrorisme religieux sont des atteintes à la dignité et à la
valeur de la personne humaine et doivent être combattues. Le préambule de la
charte des Nations-Unies mentionne expressément l’égalité de droits des hommes
et des femmes. Quant à la conférence mondiale sur les droits de l’homme, elle a solennellement
réaffirmé que « Les droits fondamentaux
des femmes et des filles faisaient, intégralement et indissociablement partie
des droits universels de la personne ». Il est donc essentiel pour
la promotion de la femme que les femmes et les fillettes jouissent pleinement
et sur un pied d’égalité de l’ensemble des droits fondamentaux et des libertés premières. Parmi ces libertés
premières, il y a sans doute l’éducation. Ce qui n’est malheureusement pas le
cas avec ces filles enlevées et empêchées d’aller donc à l’école.
De
son côté, la déclaration des droits de
l’enfant et la convention relative de l’enfant en son article 11 garantit le
droit des enfants et consacre le principe selon lequel « Toute
discrimination fondée sur le sexe est inacceptable ».
Le
Nigéria, pays le plus peuplé de l’Afrique avec une population de 158 millions
d’habitants, les femmes, selon OFH, une
ONG locale nigériane, font face à de nombreux facteurs religieux, sociaux et
culturels qui les placent dans une position de subordination vis-à-vis des
hommes. En guise d’exemple, l’ONG donne le taux scolarisation des hommes (61%)
qui est nettement supérieur à celui des femmes (39%). Et pourtant, Friends of Family, cette autre ONG évoluant
dans le pays avait très attiré souligné que « La promotion des droits de la
femme est essentielle pour atteindre un développement durable ».
Un avis qui s’inscrit en droite ligne avec l’approche et développement qui, non
seulement vise l’autonomisation des femmes mais aussi le partage équitable des
ressources et des responsabilités entre
les hommes et les femmes. Partant de ce principe, l’approche genre repose sur
l’analyse et la remise en question des processus qui différencient et
hiérarchisent les individus en fonction
de leurs sexes.
Par
ailleurs, ce Kidnapping est s’avère un acte
bien planifié, préparé et ciblé par les terroristes. Il fait partie des
stratégies de communication employées visant à modifier les rapports de
force et à envoyer un message fort à l’endroit des puissances occidentales
résolument engagées dans une guerre sans merci contre le terrorisme. C’est
d’ailleurs ce qu’a compris le professeur d’études islamiques contemporaines à
l’Université d’oxford (Royaume-Uni) qui, après avoir condamné cet enlèvement dont
l’objectif est d’atteindre des effets visibilité parle d’un acte visant à
provoquer une indignation et psychose à grande échelle au sein l’opinion
publique occidentale. C’est d’ailleurs ce qui a fait que les personnalités
influentes , les mouvement féministes et autres stars de l’occident n’ont pas tardé à
réagir à ce rapt tout en se servant de
leur notoriété pour apporter un soutien aux petites filles et tenter également
d’influer en vue de favoriser leur
libération immédiate d’où les fameux slogans suivis de marches « Bring back our girls, bring back our sister »
(Libérerz nos filles, libérez nos
sœurs).
A
la lumière de tout ce qui précède, on peut dire qu’il existe bel et bien des
liens entre le genre et cet enlèvement même si ces rapports s’avèrent
complexes. Enfin, il convient de souligner que derrière ce rapt, s’y cachent de
nombreux enjeux et stratégies de
visibilité, de captation ainsi que des rapports de forces en jeux entre les
belligérants. Une chose est
certaine : le terrorisme est un réseau transnational, il faut des
solutions internationales pour vaincre ce mal planétaire grandissant à une
vitesse stupéfiante. Pour cela, le Nigéria doit privilégier la coopération
internationale et l’échange de renseignements pour espérer vaincre Boko Haram
sur son territoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire